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"Sous le vernis historique, une opération mercantile", par G. Sapiro (liberation.fr, 2/2/18)

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Sous le vernis historique, uneopération mercantile ? Par Gisèle Sapiro — liberation.fr 2 février 2018 à 20:06 Fallait-il publier ? La question revient périodiquement. Elle a surgi en1992, lors de la parution du Journal1939-1945 de Drieu LaRochelle chez Gallimard, qui avait pris la précaution d’y insérer un «avertissement de l’éditeur» et de l’inscrire dans la collection Témoins pour donner le statut de document à ce déversement de haine et d’antisémitisme, utile à la compréhension de cette période trouble. En2015, ce n’est plus un inédit mais un best-seller des «années noires», les Décombres de Lucien Rebatet, que décide de rééditer Robert Laffont dans la collection Bouquins, laquelle se présente comme «la bibliothèque idéale de l’honnête homme» dixit Jean d’Ormesson. Certes, le virulent pamphlet reparaît sous le titre «le Dossier Rebatet» , dans une édition minutieusement établie, annotée et préfacée par des spécialistes. La republication du texte complet - dont l’édition originale est consultable à la Bibliothèque nationale -, a au moins le mérite de rétablir les coupes opérées par l’auteur dans la version édulcorée rééditée chez Pauvert en1976, comme premier tome de ses Mémoires d’un fasciste . L’entreprise s’est révélée lucrative pour Laffont, quelques milliers d’exemplaires s’étant écoulés très rapidement. Cette reparution des Décombres est ce qui aurait convaincu la veuve de Céline et son avocat de lever l’interdiction de rééditer les pamphlets, suivant le souhait de l’écrivain. Elle a sans doute aussi contribué à décider Gallimard à se lancer dans ce projet, l’autre facteur étant leur parution au Québec - où ils sont tombés dans le domaine public en janvier2012 -, dans une édition annotée par un spécialiste, que Gallimard comptait reprendre. Leprojet peut surprendre par rapport au rôle qu’a joué cet éditeur au lendemain de la Libération, dans la dissociation de l’œuvre littéraire de Céline de ses écrits polémiques, contribuant à la construction de la figure du génie fou, donc irresponsable : après l’assassinat de Robert Denoël, Gallimard récupère le fonds et réédite en1952, dès le vote de la première loi amnistiant les faits de collaboration, Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit . Derrière cette opération, il y a un résistant, Jean Paulhan, engagé dans une lutte acharnée contre l’épuration (voir sa Lettre aux directeurs de la Résistance , 1952), lutte qui l’a conduit à se rapprocher de l’extrême droite. Il publie aussi dès1951 les Deux Etendards de Rebatet, qui purge alors sa peine de travaux forcés, sans parvenir à l’imposer littérairement, ce qui n’a pas empêché Gallimard de rééditer ce roman en1991, peu avant le journal de Drieu. Ces entreprises de réédition interrogent la notion d’«œuvre», qui est une construction sociale : les écrits polémiques font-ils partie de «l’œuvre» d’un écrivain ? […] Lire la suite sur liberation.fr…

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